​Qui suis - je? Mes premières années

Il y a fort longtemps de cela, dans les années 70, je suis un petit garçon blondinet qui vit avec son papa médecin et sa maman ex-laborantine dans la banlieue chic de Delhi, le quartier appelé Greater Kalash.

En effet, mon père est chargé par l’OMS de faire de la recherche fondamentale sur le choléra, tandis que ma mère l’accompagne dans cette mission en Inde.

C’est donc depuis l’âge de 5 mois que je grandis au milieu de la culture indienne. Avec une nourrice indienne, un cuisinier indien, un chauffeur indien, un gardien de nuit indien, très rapidement, je deviens la mascotte de tout ce petit monde.

Aussi, à l’âge de 7 ans, très à l’aise dans cet environnement, je joue sans hésiter dans le grand terrain vague en face de la maison. J’ai une attirance particulière pour le temple de Lakshmi qui se trouve en haut d’une colline de l’autre côté de ce terrain vague. J'aimais tellement jouer autour de cet édifice.

Assis devant le temple se trouve un vieillard. Il est habillé tout d’orange avec une longue barbe hirsute et des dreadlocks gris longs attachés en chignon. Souvent, j'observe ce vieux, qui est là, assis en tailleur, les yeux fermés, qui ne bouge pas et qui ne fait rien.

Je ne le voyais d’ailleurs jamais bouger, toujours les yeux fermés, mais toujours souriant légèrement.

Un jour, prenant mon courage à deux mains, je me rapproche et lui dis en lui touchant l'épaule

- « Monsieur, Monsieur, eh oh, Monsieur, ça va ? Pourquoi vous avez les yeux fermés, Monsieur ? Monsieur, eh oh ? »

Bien sûr, je n’obtiens aucune réponse. Aucune.

Mais, je m'entête quotidiennement à embêter ce vieux monsieur, toujours à lui poser les mêmes questions. Si bien, qu’au bout d’une semaine, devant son insistance, le vieux finit par entrouvrir les yeux. Il regarde droit dans les miens et, toujours souriant, fait un « Chut ! » avec son doigt sur sa bouche, ainsi qu’un geste m’invitant à m’asseoir à côté de lui.

Moi, qui avais essayé depuis une semaine d’obtenir une réponse, obtempère sans question. J'ai l'espoir d'obtenir encore plus de ce « monsieur silence ».

A peine je suis assis, que le vieillard referme les yeux et "re disparait" dans son silence. Je suis resté assis là, bouche-bée, bien deux heures, à l'observer, à regarder sa respiration. Je m’amuse à voir le vieux soumis à de nombreuses mouches qui le laissent de marbre. Je ne comprends pas du tout ce qu’il fait là, mais je ressens bien que ce vieux soit particulièrement en paix et serein. Cette énergie m'impressionne beaucoup.

- « Monsieur ! Monsieur ! Eh oh ! Monsieur, pourquoi vous ne parlez pas, monsieur ? Dites-moi ! Monsieur, ça va ? »

Je reçois pour seule réponse une main levée lentement, doigts collés ensembles et paume vers l'avant semblant dire "attends".

Le lendemain, je reviens encore une fois embêter le vieillard. A nouveau, il entre ouvre les yeux et me fait signe de m'asseoir en silence, ce que je fais. Et cette fois j'obtiens un petit peu plus.

- « Tu me demandes ce que je fais ? J'écoute. »

- « Qu'est-ce que vous écoutez ? »

- « J'écoute la vie, la mienne, la tienne, celle du monde, j'écoute la vie qui est en moi et j'écoute la vie qui est autour de moi. On appelle cela être »

- « Ah ! ?» m'exclamai-je. Puis je file rejoindre mes parents, satisfait (momentanément) de la réponse donnée.

De nombreux jours passent, sans qu’à mes yeux, la situation du vieux ne change. Quand mange-t-il ? Quand dort-il ? Et les W.C? Plus les jours s'écoulent plus les questions deviennent primordiales.

Et c'est ainsi que ce vieillard commença à m'enseigner comment écouter la vie ; les bases de la méditation.

 « Quant à la motivation, essayes et tu verras le résultat, ne cherche pas la motivation. »

Bien des années plus tard, je me retrouve en Suisse, contre ma volonté, car mon père reçoit une promotion et se voit attribuer un bureau à Genève, siège mondial de l'OMS. C’est un moment très difficile, je suis arraché à une belle température chaude indienne et propulsé en plein hiver dans la ville de Genève où, à l'époque, régnait deux mètres de neige.

Aussi, afin de pouvoir apprendre le français et mieux m'intégrer, mon père me place dans une école privée.

C’est une période particulièrement difficile, voire traumatisante pour moi à qui on avait appris le respect de toute forme de vie. Je me retrouve soudainement avec des camarades de classe qui s'amusent à brûler à la loupe des fourmilières entières. Je rentrais à la maison en larmes, pensant avoir été placé dans une école d'assassins génocidaires.

L'adaptation à la culture européenne est très difficile. Je n’ai plus mon « petit vieux » pour me guider, j'en oublie totalement ce que j'avais appris.

Les années passent et je deviens un adolescent turbulent, trop turbulent, un adolescent « à problèmes » avec des remarques dans ses carnets scolaires : « est trop distrait », « distrait trop les autres », « est trop excité », « n'écoute pas ce qu'on lui dit », etc.

Du coup, ma mère m'inscrit, sans me demander, dans un cours de relaxation. On y enseigne une technique connue sous le nom de « la technique du docteur Schultz ».

Dès le premier cours, alors que je ne m'y attendais pas du tout, je plonge rapidement dans un état méditatif profond au point que la maîtresse a beaucoup de peine à m'en sortir à la fin du cours. Elle me dit

- « tu t'es endormi ? »

- « absolument pas, je ne dormais pas ».

Je suis traité de menteur et la risée de mes camarades, mais c''est là que je souris et me rappelle tout ce qu'on m'avait enseigné auparavant. Ce fut une nouvelle ère pour moi.

Découvrant avec quelle rapidité foudroyante j'arrive maintenant à entrer en méditation, il m’arrive même de sentir mon corps se détacher comme si le « fantôme de lui-même » se mettait à flotter au-dessus de son moi.

Bien qu'au début, j'ai très peur, je trouve cela fascinant. Pendant de nombreuses années, je m'amuse ainsi, le soir avant de m’endormir, à laisser mon « fantôme » flotter à droite et à gauche, aller visiter la face cachée de la lune, voir mes parents.

Bref, une période merveilleuse, remplie d'expériences innocentes et bienveillantes avec ce pouvoir acquis.

Durant toute cette période, mon père a toujours eu le souci de mon éducation religieuse. Dans mes plus jeunes années déjà, il avait personnellement veillé à ce que je sois familiarisé autant avec les préceptes de la religion judaïque qu'avec l’islam et les divers courants chrétiens tout cela saupoudré de l'enseignement des préceptes de la vision bouddhistes. - "Je ne te baptise pas, car je veux que tu aies le choix de ta religion en toute connaissance de cause." me disait-il souvent.

J’ai donc été familiarisé à « l’octuple vérité » ainsi qu'aux « cinq obstacles à une vie épanouie ». Ces obstacles sont : la paresse, le doute, la convoitise, l'agitation ainsi que la colère.

En bon adolescent ayant décrété avoir tout compris de la vie, je prends des raccourcis « logiques » selon ma perception du moment. Je m’attache à contrôler les « cinq obstacles » en faisant fi de « l’octuple vérité ». Aussi déclarais-je, puisque ce sont les 5 obstacles à une vie épanouie, je vais simplement me contenter de ne plus me laisser faire par ces derniers : les ignorer ou les étouffer. C’est ce que je fis.

Je passe donc toute mon adolescence à m’évertuer à mettre sous cloche les « cinq obstacles » et à continuer à voyager astralement grâce à mon secret.

Je ne parle ni à mes parents ni à quiconque de mon vécu avec mes "voyages" (ce que plus tard j’apprends être des voyages astraux) de peur de passer pour un fou.

Un détail important que je n’ai pas encore cité, c’est mon handicap : je suis sourd de mon oreille droite depuis ma naissance.

Non seulement, je suis sourd d’une oreille, mais depuis mon arrivée en Europe, j’ai de douloureuses otites à répétition. A tel point que je n’entends quasi rien du bruit de la vie pendant des années. Ce n’est qu’à mes 12 ans que je perçois pour la première fois le chant des oiseaux !

Ce n'est qu'en passant par la sophrologie du docteur Schultz que je trouve enfin un refuge grâce à la méditation, lorsque mon oreille me fait tellement souffrir, me permettant d’obtenir un répit dans ma douleur.

Qui dit adolescence, dit aussi premier amour et première rupture, première perte d’innocence aussi.

 La suite ...